Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Atelier : Ecrire et lire à Nizas

Atelier d'écriture et Club de lecture : publication de nos travaux , dialogue avec les lecteurs

L'ACCIDENT

_____________________________________________________________________________

L'OBJET DE NOTRE TRAVAIL D'AUJOURD'HUI, c'est l'écriture d'un dialogue en partant d'une trame commune : un extrait d'une nouvelle tirée de l'excellent recueil d'Anna Gavalda, "Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part", la nouvelle étant : "Le fait du jour",

Cette nouvelle est l'histoire tragique d'un représentant de commerce qui découvre qu'il a causé un accident gravissime en se rendant à son rendez-vous du matin, sur l'autoroute, dans le brouillard. Il rate la sortie, s'en aperçoit immédiatement; il recule de quelques mètres, et part sans s'apercevoir de quoi que ce soit. Dans la journée, sa femme l'appelle, inquiète. A la télé, à la radio, on parle que de ça : l'accident a causé la mort de 9 personnes et fait d'innombrables blessés. Le soir, il n'arrive pas à dormir et rallume la télé.

EXTRAIT :

" À minuit, j’étais de nouveau dans le salon. J’ai allumé la télé sans le son et j’ai cherché une cigarette partout. À minuit et demi, j’ai remonté un tout petit peu le volume pour le dernier journal. Je n’arrivais pas à détacher mon regard de l’amas de tôles qui s’éparpillaient dans les deux sens de l’autoroute. Quelle connerie. Je me disais : les gens sont quand même trop cons.

Et puis un routier est apparu sur l’écran. Il portait un tee-shirt marqué Le Castellet. Je n’oublierai jamais son visage. Ce soir-là, dans mon salon, ce gars a dit :

— D’accord, y avait le brouillard et c’est sûr les gens roulaient trop vite, mais tout ce merdier ça serait jamais arrivé si l’autre connard n’avait pas reculé pour rattraper la sortie de Bourg-Achard. De la cabine, j’ai tout vu, forcément. Y en a deux qu’ont ralenti à côté de moi et puis après j’ai entendu les autres s’encastrer comme dans du beurre. Croyez-moi si vous pouvez mais je voyais rien dans les rétros. Rien. Du blanc. J’espère que ça t’empêche pas de dormir, mon salaud.

C’est ce qu’il m’a dit. À moi. À moi, Jean-Pierre Faret, à poil dans mon salon. C’était hier.

Aujourd’hui, j’ai acheté tous les journaux. À la page 3 du Figaro du mardi 30 septembre :

UNE FAUSSE MANOEUVRE SUSPECTÉE

« La fausse manœuvre d’un conducteur, qui aurait fait marche arrière à l’échangeur de Bourg-Achard (Eure), serait à l’origine de l’enchaînement qui a causé la mort de neuf personnes hier matin dans une série de carambolages sur l’autoroute A13. Cette erreur aurait provoqué le premier carambolage, dans le sens province-Paris, et l’incendie du camion citerne qui s’est aussitôt ensuivi. Les flammes auraient alors attiré l’attention de…»

Et à la page 3 du Parisien :

L’EFFARANTE HYPOTHÈSE D’UNE FAUSSE MANOEUVRE

« L’imprudence, voire l’inconscience, d’un automobiliste pourrait être à l’origine du drame qui s’est traduit par cet indescriptible amas de tôles broyées dont neuf personnes au moins ont été retirées hier matin sur l’autoroute A13. Les gendarmes ont en effet recueilli un témoignage effarant selon lequel une voiture a fait marche arrière pour rattraper la sortie de Bourg-Achard, à une vingtaine de kilomètres de Rouen. C’est en voulant éviter cette voiture que les…»

Et comme si ça ne suffisait pas… :

« En voulant traverser l’autoroute pour porter secours aux blessés, deux autres personnes sont tuées, fauchées par une voiture. En moins de deux minutes, une centaine d’autos, trois poids…» (Libération, même jour.)

Même pas vingt mètres, à peine, juste un peu mordu sur les bandes blanches. Ça m’a pris quelques secondes. J’avais déjà oublié. Mon Dieu…

Je ne pleure pas.

Florence est venue me chercher dans le salon à cinq heures du matin. Je lui ai tout raconté. Evidemment. Pendant de longues minutes elle est restée assise sans bouger avec ses mains sur son visage.

Elle regardait vers la droite puis vers la gauche comme si elle cherchait de l’air et puis elle m’a dit :

Ecoute-moi bien.... "

C'est là que nous reprenons le texte !

L'ACCIDENT

L'ACCIDENT par Christiane

" Ecoute-moi bien! dit-elle fermement. Je peux comprendre que tu te sentes responsable du malheur de tous ces gens. Cela pèse terriblement sur ta conscience. Tu te fais des reproches, mais c'est avant tout un malheureux concours de circonstances. Tu n'as, en aucun cas, cherché à détruire la vie de ces personnes alors, je t'en prie, cesse de te culpabiliser !

— Mais comprends-moi ! dit-il, sans lui laisser le temps de poursuivre. Comment pourrais-je continuer de vivre, faire comme si tout cela n'était pas arrivé, alors que j'ai bousillé toutes ces vies? Oh, j'ai l'impression de vivre une situation irréelle, un mauvais rêve! Te rends-tu compte, un matin comme tous les matins, on prend sa voiture mais ce matin-là, on fait une manœuvre banale dont on ne mesure pas du tout les conséquences, et on devient tout d'un coup un meurtrier!

— Tu n'es pas un meurtrier! Tu as commis une erreur et n'as pas mesuré l'incidence de ton acte sur les autres conducteurs, c'est tout! Crois-tu que ton chagrin et ton désespoir leur redonneront la vie? Cesse de regarder à la télé ces images qui repassent en boucle et qui te font du mal! Elles ne font que te renforcer dans ton sentiment de culpabilité.

— Comment peut-on passer, après cela, à autre chose, mener une vie normale comme était la nôtre avant ce drame? lui demanda-t-il, en la regardant dans les yeux comme s'il implorait son aide. Il y aura toujours un avant et un après.

— Je sais ce que tu éprouves mais ton désespoir peut aussi faire notre malheur. Nous avons traversé des périodes sombres, tout n'a pas toujours été facile, nous nous en sommes sortis car nous pouvions toujours compter l'un sur l'autre.

— Tu n'es pas en cause, je sais que je peux compter sur toi, mais ma conscience, elle, va-t-elle me laisser un jour en paix? Je ne m'autoriserai peut-être plus jamais à être heureux avec toi, murmura-t-il, d'une voix brisée.

— Que deviendrai-je alors? Une victime de plus ? "

________________________________________________________________________

L'ACCIDENT par Gillette

" Ecoute-moi bien, rien ne prouve que c'est toi qui a commis cette manœuvre dangereuse.Tu es sûr que c'est toi, d'ailleurs ? Toi qui a reculé juste à ce moment-là ? D'autres ont pu faire la même chose, avec ce brouillard !

  • Oui, je crois ! Je venais à peine de dépasser la sortie, j'ai pensé pouvoir la rattraper. Je n'ai pas vu les véhicules derrière, qui étaient si proches de moi. J'avais un peu la tête ailleurs, j'anticipais ce rendez–vous si important, un marché énorme qu'il me fallait gagner, un moment compliqué qui pouvait changer ma vie si je trouvais les bons mots, les bons arguments …

  • Mais, s'étonna-t-elle, tu as pourtant l'habitude de conduire, c'est ton métier d'être toujours sur les routes. Tu n'es pas coutumier de ces moments de distraction, et tu as de bons réflexes !

  • Je ne t'en ai jamais parlé, mais mes patrons semblent ne plus apprécier mes compétences, je leur coûte trop cher. Ils souhaitent, en me mettant la pression, que je craque, peut-être que je démissionne… Alors mes idées étaient encore plus embrouillées que le temps… Et puis j'étais pressé, je craignais d'être en retard…

  • Alors, soupira-t-elle, visiblement bouleversée, si tu te sens responsable, concrètement, il va falloir que tu ailles au commissariat, avant qu'ils ne viennent te chercher. Des caméras- vidéo ont peut-être enregistré ton immatriculation. Ils sauront que tu étais sur place, et interrogeront tous ceux qui se trouvaient à proximité de ce carambolage. Le chauffeur de camion reconnaîtra ta voiture. Mon dieu, nous sommes perdus !"

Il la regarde sans la voir. Ses yeux sont remplis de larmes, on dirait que sa tête va exploser, son cœur est lourd, serré.

  • Suis-je devenu un monstre, un meurtrier? "

Il réalise avec terreur que désormais, plus rien ne sera jamais comme avant… "

_______________________________________________________________________

L'ACCIDENT par Marie-Claude

" Ecoute-moi bien, il faut que tu restes calme, pour une fois ! Il faut réfléchir à ce que nous allons faire. Cesse de pleurnicher ! Nous sommes plongés dans un cauchemar dont nous ne sommes pas prêts de nous réveiller. Maintenant, l'urgence, c'est de protéger la famille !

Comme d'habitude, elle prenait les choses en main, elle était forte, elle, pas comme lui... Elle allait trouver des solutions.

- Qu'est-ce que je dois faire ? gémit-il.

- D'abord, il faut te dire que tu ne l'as pas voulu. S'il y avait du brouillard, ce n'était pas ta faute. Ce n'est pas le premier accident causé par le brouillard dans cette région pourrie ! Et derrière-toi, sûrement que les voitures roulaient trop vite. Ces conducteurs ont leur part de responsabilité, plus importante que la tienne, il me semble. La preuve, le camion lui, t'a évité. Il a juste ralenti. Les autres n'avaient qu'à faire de même !

- Mais tu as entendu les témoins. Je suis responsable de ce massacre, et moi, je suis là, indemne ! J'ai l'impression de devenir fou !

Des larmes commencèrent à rouler le long de ses joues, sans même qu'il ait conscience.

- ça suffit, ça ne sert à rien de culpabiliser ! c'est avant qu'il fallait faire attention. Il est trop tard pour refaire le film.

- Qu'est-ce qu'on va faire? répéta-t-il d'une voix à peine audible.

- Au fait, tu l'as décroché, ce contrat ? Chez ton client, à Bourg-Machin, ça s'est passé comment?

Il renifla, et enfonça encore un peu plus le cou dans ses épaules :

- Non, ça n'a pas marché. Je crois qu'ils avaient déjà conclu avec un concurrent...

- Décidément, tu n'es qu'un minable ! cracha-t-elle avec mépris. Bon, tu vas téléphoner à ton patron, et lui dire que tu en as plus que marre de ce boulot. Que tu as une offre plus intéressante du côté de Grenoble, et que tu as décidé de partir t'installer là-bas. Qu'il recevra ta lettre de démission dans la semaine. Et puis on va faire les valises, et partir s'installer chez mon frère quelque temps. Il avait proposé de te prendre au garage avec lui. C'est le moment de saisir la balle au bond. Ton idiot de patron n'avait pas daigné t'allouer un véhicule de fonction. Aujourd'hui, ça va peut-être nous sauver la mise. On planque ta voiture dans le garage jusqu'à notre départ, on se sert de la mienne. Et cette autoroute de malheur, je t'interdis d'y retourner avant longtemps. On va faire profil bas, mon chéri.

Il acquiesça mollement de la tête. Il semblait anesthésié. Les images défilaient derrière ses yeux, les flammes du brasier, les gens qui couraient, hagards, les pompiers qui s'activaient et les lumières des voitures de police.

- Et si j'allais me dénoncer ?

Elle le toisa, dédaigneuse.

- Tu veux aller en prison ? Tu ne tiendrais pas huit jours. Tu finirais par te pendre au porte-manteau.

Elle émit un ricanement mauvais, puis, changeant de visage tout-à-coup, elle se pencha vers lui, radoucie :

- Tout ça t'a ébranlé, il faut que tu dormes. Je vais te donner des cachets, va t'allonger, je m'occupe de tout.

Il se redressa péniblement et se dirigea vers la chambre à coucher.

Elle poussa un grand soupir, et pensa que son plan était loin d'être au point. Il allait falloir tenir compte de tous les détails, parer à toutes les éventualités, et dans un premier temps, téléphoner à son frère. Là, elle n'avait aucun souci. Ils étaient bien du même sang. Il l'aiderait à faire face. Les coups tordus, c'était sa spécialité !

______________________________________________________________________________

L'ACCIDENT

Voilà trois versions d'une même histoire, trois points de vue bien différents !

Une petite expérience à renouveler, qui permet de mettre en évidence nos styles et nos personnalités :)

A bientôt.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article